Fils unique d'un noble ne possédant aucune fortune, un mariage avec une fille fortunée aurait sans doute été ce que l'on pouvait rêver de mieux pour le jeune Arsène. Et quand on parvint à renflouer les caisses familiales avec la dot de la belle épousée, ce fut un réel soulagement pour tous. Les années qui suivirent ces bienheureuses noces furent prospères, il y eut un premier enfant, puis un second, un autre encore. Le jeune couple était heureux, simplement heureux, profitant de la vie à la campagne. Toutefois, cela ne pouvait durer éternellement et quand la fièvre frappa, emportant femme et enfants, Arsène pria Dieu de le laisser les rejoindre... Jusqu'à ce qu'il s'avère que sa fille survivrait miraculeusement. Il ne pouvait la laisser seule dans ce monde, il devait survivre : pour elle. Les obsèques passées, père et fille tournèrent alors une page de leur histoire et gagnèrent Paris dans l'espoir de prendre un nouveau départ. Arsène pour passer sa colère et oublier son chagrin s'engagea dans l'armée. C'est alors qu'il fut amené à déjouer, par le plus grand des hasards, un complot visant à assassiner le préfet de Paris. Le lieutenant général La Reynie ayant eu vent de cet investissement lui proposa alors un poste dans sa nouvelle police en tant qu'inspecteur, ce qu'il accepta avec plaisir puisque cela lui permettait d'être plus présent pour son enfant.

Lucien est le cinquième fils d'une famille parisienne. Son père, boulanger, était un homme dur et sévère. Aussi, désireux d'échapper à l'autorité paternelle, le garçon dans son jeune âge passa bien des heures dans les rues parisiennes à errer, à courir et à jouer. Jeune homme populaire auprès des parisiens, quand il s'enrôla en tant que soldat, il ne tarda pas à devenir brigadier de par son charisme et son courage. Toujours prêt à secourir les plus démunis et les plus faibles, il est si dévoué à sa ville natale qu'il n'a jamais prit le temps de combler véritablement le vide se creusant d'année en année dans sa couche. Naturellement, il sait où trouver la satisfaction nécessaire à oublier sa solitude et ne se prive jamais de visiter quelques prostituées, un fait réprimandé par ses supérieurs mais encouragé par la populace de la cour des miracles qui voit dans ce soutien une opportunité en or. Toutefois, que les voleurs et les assassins se méfient, il prendra toujours le parti de leur victime, il y mettra un point d'honneur et n'en démordra pas, qu'importe les menaces qu'on pourra lui faire.

Le comte d'Adriac était un mousquetaire, c'est dans le cadre de ses fonctions qu'il avait rencontré la douce Mathilde qui n'était autre qu'une petite vendeuse de fleurs. Rapidement charmée par ce fringant soldat au chaud accent de Gascogne, elle ne s'attendait pourtant pas à ce qu'il l'épouse malgré sa promesse. Comtesse d'Adriac, elle eut bien du mal à se faire à sa nouvelle vie et n'eut pas le temps de s'y habituer. La naissance de deux jumeaux vint à bout de ses maigres forces et de sa santé fragile. Elle mourut en couche, laissant à son époux la charge de l'éducation des deux enfants : un garçon et une fille. Cette fille, c'est Manon. Et elle reçut la même éducation que son frère. Du moins dans un premier temps. Apprenant à se tenir en selle, à danser, à lire, à écrire, à compter et à se battre sans distinction. Il faut dire qu'entre les deux enfants, si on avait laissé pousser les cheveux de Manon, il n'y avait guère de différences. Par la suite, quand elle eut huit ans, elle fut confiée à un couvent dont les sœurs se chargeraient de combler les manques de cette éducation inadaptée à une jeune fille. Elle n'en reviendrait jamais, trouvant une place parmi les sœurs. Toutefois, sa foi fut mise rapidement à rude épreuve alors qu'elle n'était encore que novice. Son père décéda, succombant à ses blessures sur le champ de bataille. Commença alors un long deuil qui l'éloigna pourtant progressivement de Dieu. Pourtant, elle demeura au couvent, aidant les religieuses en s'accommodant des corvées plus laborieuses auxquelles sa carrure imposante la prédestinait. Elle savait qu'elle finirait par devenir religieuse, célibataire, sans grande fortune, sans beauté et déjà assez âgée, elle n'aurait d'autre choix. Pourtant, le destin en avait décidé autrement : un jour vint une lettre. Son frère, monté à Paris pour faire carrière dans les armes et exerçant dans la police parisienne lui faisait part du sentiment de menace qui pesait sur lui. Sentant la détresse de ce frère qui lui manquait tant, elle obtint l'autorisation de monter à la capitale pour lui rendre visite et s'assurer de sa bonne santé. Mais elle arriva trop tard. Elle le retrouva à son logement : mort. Furieuse et effondrée, elle remarqua pourtant quelque chose : malgré les années, elle lui ressemblait toujours autant. C'est alors qu'elle se coupa les cheveux et parvint à faire disparaître le corps, endossant alors l'identité de son frère : Justin, à ses risques et périls.