Les petites réunions de salon de l’hôtel de Rambouillet s’accompagnaient rarement de cérémonie, du moins comparativement à la Cour. Le bon ton et l’esprit se devaient d’être au rendez-vous, mais ce n’était là que la moindre des choses, si l’on ne voulait pas être la risée du salon pour les mois à venir. La routine, cependant, ennuyait Julie au plus haut point, et il valait mieux se distraire avant qu’elle ne commette un faux pas quelconque par oisiveté. L’idée qui lui était alors venue était d’organiser un bal masqué, plutôt intime, mais un bal tout de même. Parisiens comme nobles de la Cour se présenteraient : histoire d’attirer plus de monde, Julie avait tenté d’inviter Athénaïs de Montespan, mais la grossesse de son septième enfant avec le Roi l’empêchaient à l’heure de se déplacer de Versailles à Paris. Tout de même, la soirée serait bien animée par des gens de qualité, et Julie ne pouvait qu’espérer qu’il n’y aurait aucune catastrophe.

Les domestiques s’étaient mis à l’œuvre pour que tout soit parfait. Déjà vêtue de sa robe pourpre, optant pour une couleur pas trop vive en raison de son statut de veuve, Julie se rendait jusqu’aux cuisines pour tout surveiller et recommander tel ou tel changement de dernière minute. Il avait fallu l’arrivée des invités, peu à peu, pour l’arracher à sa petite manie de maniaque du contrôle. Grands de la Cour comme gens de petite noblesse, bien que pleins d’esprit, tous admiraient dans la salle de bal les petits buffets disséminés un peu partout pour que personne ne meure de faim, les lampions qui éclairaient la salle plutôt que les chandeliers qu’on utilisait à l’ordinaire, et les jongleurs et acrobates venus d’Orient que Julie avait engagés pour la soirée – il allait sans dire qu’elle était plutôt fière de sa trouvaille.

En bonne hôtesse, Julie s’arrêtait à chaque invité, les saluant avec grâce et demandant de leurs nouvelles, avant de vite passer à la prochaine personne, sans paraître pressée – une dame de haute naissance, d’ailleurs, ne l’était jamais, c’était bien connu, et c’était là une chose que Célinte elle-même se devait de respecter. Passant dans la foule, malgré son air plaisant et son intention de tout de même bien s’amuser, les oreilles de Julie étaient toutes grandes ouvertes comme d’habitude, à l’affût du moindre petit secret qui l’intéresserait, pour mieux le livrer à quiconque viendrait à demander de ses services. Malgré tout, tout le monde, pour l’instant, semblait davantage intéressé à se livrer à l’oisiveté et à l’insouciance. Il lui faudrait donc trouver une autre tactique. Enlevant deux coupes de champagne du domestique le plus près d’elle, Julie chercha du regard un ami et/ou une potentielle victime, qui pourrait, au moins, l’amuser avec quelques ragots…


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