Mon histoire n’a rien de très palpitant. En lisant ces lignes, vous serez sans nul doute déçus, pensant y trouver de grandes tragédies, des pleurs ou des histoires de complots. Vous ne trouverez pourtant rien de tout cela, du moins en me concernant. En effet, je fais partie de ces personnes ayant eu la chance de naître dans un berceau doré. Henriette, tel est le nom qu’on choisi mes parents, marquis et marquise d’Escorches.

Petite dernière de la famille, on ne peut pas dire que mon enfance fut des plus désagréable. Unique fille de la fratrie, je fus particulièrement choyée par notre père qui, peut-être, m’a comblée un peu trop. Il faut dire que j’étais la seule à lui réclamer de belles robes et il est parfois difficile de résister à mon regard implorant. Je n’étais pas pour autant une jeune fille gâtée à qui l’on cédait tout ces moindres désirs. Mère était souvent là pour refreiner mes demandes, mes aussi pour m’apprendre la bienséance que toute femme devait connaître. J’ai toujours été enclin à suivre ces séances, tout comme l’éducation catholique que nous recevions mes frères jumeaux et moi. Très jeune, j’avais déjà conscience de mon rang, mais aussi qu’il me faudrait un jour ou l’autre trouver un époux.
En dehors de cet environnement parfois strict, je passais mon temps libre à lire et à me passionner pour la musique. Jouer du clavecin était un moyen pour moi de me couper du monde et de rêvasser l’espace de quelques minutes. Je passais également beaucoup de temps en compagnie de mes frères, notamment Estienne. J’appréciait poser pour lui tandis qu’il me dessinait. Pour moi c’était un jeu, mais j’étais fière d’être le sujet préféré de mon frère. C’était peut-être un peu prétentieux, mais ces dessins me donnaient confiance en moi. J’étais très proche de lui, au point de venir me glisser dans ses draps la nuit, à la suite de cauchemars qui me terrifiaient. J’appréciais énormément mes parents, mais Estienne était une présence qui me rassurait et me donner quotidiennement le sourire. Mes relations avec Melchior et Antoine étaient différentes. J’appréciais rire d’Antoine, parfois me moquer un peu de lui et faire la « chipie », tout était bon enfant. Au contraire, il m’arrivait d’être froide avec Melchior. Encore aujourd’hui, il m’arrive de le prendre de haut, de trouver de temps à autre son attitude ridicule.

Le départ d’Estienne provoqua un grand vide dans la maison, du moins pour la jeune fille que j’étais. Comme pour me souvenir de lui, j’appris petit à petit le dessin, laissant parfois la musique de côté au grand désespoir de ma mère qui ne comprenais pas mon soudain intérêt pour cet art. A son retour, j’espérait retrouver ce lien qui nous unissait, mais mon frère n’était pas totalement le même qu’autrefois. J’étais jalouse de son épouse, du fait qu’il n’accorde plus autant de temps pour moi qu’autrefois. J’hésitais à aller vers lui comme je le faisais étant plus jeune, car sentant en lui une colère que je n’avais jamais remarquée avant.
A son nouveau départ, cette fois-ci pour la guerre, c’est vers son épouse que je m’étais tournée, et contre toute attente nous sommes devenues amie, malgré notre différence d’âge. Tout comme mon soudain intérêt pour le dessin, j’avais besoin d’être auprès elle, et ce d’autant plus durant sa grossesse. Tout comme moi, elle avait besoin d’une présence rassurante et je m’étais fait un point d’honneur à faire en sorte que son enfant naisse dans les meilleures conditions. Après tout, il s’agissait de mon neveu ! A mon grand étonnement, sa mort me toucha énormément et j’en espérais de même de la part d’Estienne. Mon incompréhension fut mêlée à de la colère de le voir ainsi de marbre. Il n’avait sans doute pas voulu de ce mariage, mais son absence de réaction me toucha profondément. Il me fallut quelques jours, et même quelques semaines, avant de lui pardonner.

Quoi qu’il en soit, j’ai hâte de le retrouver à Versailles. Désormais, du haut de mes vingt-ans, je compte bien profiter de tous les plaisirs que le palais à offrir, m’attirer les faveurs d’un gentilhomme assez bien pour en faire mon époux, et pourquoi m’attirer les faveurs du roi… ?