C’est dans la campagne Ardéchoise que Jeanne fit ses premiers pas. Fille d’un couple de fermiers endurcis déjà parents de quatre garçons. Elle n’eut pas l’enfance paisible tant rêvée.
C’est deux ans plus tard à l’arrivée d’un sixième enfant, une autre fille que son destin fut écrit. Ces deux ascendants décidèrent qu’il ferait d’elle une femme au foyer disciplinée afin qu’elle se marie au fils de la ferme d’à côté. Cette décision ne fut pas difficile au vu des faibles économies qui ne suffisait pas à la gestion de tous ces garnements. Deux mois auparavant ils avaient déjà envoyé leur fils aîné travailler au service d’un domaine voisin. Jeanne était la suivante sur la liste.
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10 ans plus tard … Elle fut très vite reconnue pour sa beauté qui cependant ne se révéla pas des plus utiles à la ferme. Aux yeux de ses parents elle n’était qu’une bouche de plus à nourrir. A ses douze ans sa mère scella définitivement son avenir en quelques phrases.
« Ce ne sont pas tes beaux cheveux qui feront de toi une bonne mère, ma chère. L’enfance est révolue ! Tu dois devenir une jeune femme disciplinée sinon je suis certaine que même le voisin ne voudra pas de toi. A quoi sert une femme lorsqu’elle n’est pas obéissante ? Grandis un peu Jeanne ! Dans un an tu seras une femme mariée ! »Malheureusement le fils de la ferme d’à côté décéda d’une pneumonie un mois avant l’union. Ce qui ne ravit pas le couple. Ils n’eurent d’autres choix que de garder l’enfant.
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Elle avait passé trois ans de plus dans cette miteuse ferme, à promener les bêtes, faire la vaisselle, recoudre des haillons, laver les sols. Persuadée qu’elle était destinée à une tout autre vie. Trois années durant lesquelles ses parents ne lui avaient trouvé aucun prétendant. Après tout le mal qu'il s'étaient donnés ils décidèrent de l'envoyer à la ville.
« Jeanne il est temps pour toi de quitter l’Ardèche et de rejoindre la ville, ta vieille tante à accepter de t’accueillir chez elle à Paris pendant quelques semaines le temps que tu trouves du travail. Pense à nous envoyer de quoi nous aider, nous ta famille. Tu pars demain à l’aube, nous avons trouvé un homme qui emmène sa cargaison à Paris, il a accepté de t’emmener avec lui dans son chariot. Va à la grange rassembler tes affaires »C’est ainsi qu’à seize Jeanne prit la route pour Paris laissant derrière elle son Ardèche natale avec très peu de regrets.
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Gilbert Bonnard, était un bel de homme de vingt-cinq ans qui passait le plus clair de son temps sur la route dans son chariot derrière ses deux chevaux. Marchand, il récupérait tout, pour lui rien n’était cassé ou abîmé tout pouvait rapporter.
C’était à ses côtés que Jeanne avait passé ces quelques jours de voyage. Elle avait découvert un jeune homme serviable et rusé et s’en était quelque peu éprise. C’était la première fois que Jeanne côtoyait ce qu’elle pensait être le véritable amour. En réalité tout ceci était simplement dû au fait que Jeanne n’avait connu aucun autre homme que son père et les vieux voisins du village.
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Une fois Paris gagnée, Jeanne était bien décidée à commencer sa nouvelle vie et à trouver le grand amour. Pleine d’illusions elle se rendit chez sa tante, qu’elle n’avait encore jamais rencontrée.
Pendant deux semaines elle se contenta du petit cagibi sous l’escalier. Elle trouva rapidement du travail en tant que lingère, mais après à peine une semaine elle se fit renvoyée. Alors qu’elle allait livrer les nappes d’un café elle s’était faite arroser d’excréments par une carriole. Elle comprit alors que trouver un travail stable n’allait pas être facile et que jamais un homme ne voudrait d’elle car ici à Paris elle n’était plus une beauté, la fleur avait fané. Cette grande ville n’était peut-être pas ce qu’elle avait espéré. Alors elle repensa à sa petite ferme ses parents, ses frères et sa petite sœur.
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« Vous, mademoiselle ! »La jeune fille se retourna un plateau contre sa hanche, ses cheveux de blés noués dans une misérable tresse.
« Que diriez-vous de travailler pour moi ? Je cherche une femme à tout faire. Vous serez mieux payé que dans ce misérable café je puis vous l’assurez. Alors qu’en dites vous ? »Prise au dépourvu Jeanne n’avait pourtant pas hésité une seule seconde, pour elle tout valait mieux que cet endroit où les hommes la traitait comme une moins que rien. Elle ne prit pas en considération le simple fait que l’employeur était lui aussi un homme, un inconnu peut-être mal intentionné.
C’est ainsi que Jeanne fit ses débuts en tant que femme de chambre auprès de Roland Bignon un homme de lettres, un trentenaire qui se révéla bienveillant. La plupart du temps ils restaient tous deux enfermés, il étudiait , elle rangeait et parfois il lui partageait ses récits. C’est durant ses trois années de service qu’elle découvrit l’existence des livres et des mots qui les ornent. Ainsi elle sut lire et écrire le plus respectablement possible pour une jeune femme de son rang. Malheureusement l’homme dut la renvoyer pour cause financière et elle se retrouva à nouveau à la rue.
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Ce n’est qu’à ses dix-huit qu’elle fit la connaissance de sa dame actuelle, Augustine Delacour, une veuve à la mobilité réduite. Sa maîtresse était des plus mélancoliques depuis la mort de son mari Xavier Delacour un brave soldat à qui Jeanne n'avait que très peu parlé pour cause ses nombreux déplacements. Malgré tout c'était bien cet homme qui l'avait engagé pour tenir compagnie à sa bien aimée. Cet homme autrefois aimant, qui chercher toujours à satisfaire sa femme. Mais quelques années avant son décès son comportement avait basculé. Jeanne avait été spectatrice de plusieurs scènes de violence qu'elle aurait préféré ne pas voir. Depuis elle avait du mal à comprendre le comportement d'Augustine. Pourquoi pleurer la mort d'un tel être ? Elle qui commençait tout juste à se lier avec celle ci elles avaient finit par s'éloigner à nouveau. Mais la jeune fille comptait bien regagner la confiance de sa maîtresse.
En tant que femme de chambre elle était la seule à savoir certaine chose et c'était donc ainsi que le beau frère de la Madame avait prit contact avec elle peu de temps après le décès de son frère. Jeanne était chargée de lui transmettre comment sa supérieure se comportait et elle était nourrie et logeait.
La vie dans le domaine campagnard du frère de la "marquise" lui convenait et elle y avait prit goût. Il lui arrivait de repenser à sa famille. Elle ne leur avait plus rien transmis dès lors qu’elle était devenue femme de chambre auprès des Delacour.
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Autrefois sa dame avait été à la cour mais elle n’aurait jamais pensé qu’elle aurait l’honneur d’y retourner avec elle en tant qu'invitée. Elle en avait tant rêvé, elle serait enfin au plus proche du roi. Elle ne pouvait cacher sa joie. Elle allait enfin découvrir le véritable monde. Sa vie insignifiante pouvait changer !