Ce qu’il est aujourd’hui, Philippe ne le doit qu’à lui-même, un peu de chance, et une heureuse coïncidence.
Il n’a pas toujours été noble. Bourgeois, certes, mais né bien loin des fastes et de l’or coulant à flots. Fils d’un couturier particulièrement prospère, reprendre les affaires de son père n’a pourtant jamais trouvé grâce à ses yeux. Philippe voulait mieux, et il voulait plus.
Dernier d’une fratrie de quatre enfants mais dont les aînés se sont trouvés être des filles, il fut à la fois un soulagement pratique et une cible facile. Ainsi, dès son plus jeune âge, on l’a initié aux affaires et à toutes leurs manigances. L’art de tromper l’acheteur en flattant sa femme, les subtilités des négociations, les détails de la publicité. C’est tout ce qu’il voyait du matin au soir, jour après jour, année après année.
Mais Philippe n’a jamais eu goût pour les ventes. Bien que disposant d’un commerce prestigieux, le statut de marchand sonnait bien faux à son ouïe capricieuse. Philippe, ce qu’il lui fallait, c’était d’être de la haute société. Être de ceux d’en haut ; ceux dont il se moque éperdument le jour mais qu’il envie la nuit. Bénéficier de tous les privilèges ; que toutes ses envies soient des ordres et qu’il puisse tout se permettre sans craindre les injustes répercutions contre lesquelles on l’avait si souvent mis en garde. En un sens, Philippe avait sa part de naïveté. Si son ambition était un feu, la fumée qui s’en dégageait était un dangereux manque de précaution. À ses yeux, tout était simple. Il allait prouver ce qu’il valait, et il valait bien plus que tous ces petits courtisans et les idiots qu’ils craignent autant qu’ils admirent.

Ainsi, Philippe a abandonné ce qui le retenait à sa petite bourgeoisie pour se monter sa propre affaire. C’est dans l’or qu’il a trouvé son filon ; il voulait que ses mains soient imbibées du plus précieux des métaux, celui pour lequel les hommes se tuent et se déchirent depuis d’inlassables siècles. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Philippe a réussi. Et il a réussi avec brio. Il s’est monté une fortune, et avec elle une réputation qui dépassait largement celle de son père, noyé dans ses tissus de choix tandis que son fils se tenait au milieu d’une véritable mine d’or.

Mais là où il y a réussite, il y a aussi danger. Et nous le savons ; Philippe a le fâcheux défaut d’ignorer le danger à moins que celui-ci ne soit critique. C’est là qu’intervient la jeune Sophie. Sophie, cette maligne beauté qui sait où se trouver, avec qui, et au bon moment. C’est en suivant ses recommandations que Philippe a réussi à sécuriser ses positions en achetant le titre de Comte ; un bon investissement, un pas qui lui ouvrit les portes de la plus prestigieuse cour d’Europe.
Jugeant opportun de garder ce précieux élément à ses côtés, Philippe a épousé cette Sophie qu’il connaissait pourtant depuis à peine quelques mois. À présent, ils sont Comte et Comtesse de Mecquenem, et ils n’en sont qu’au commencement de leur glorieuse histoire.